D’entrée de jeu Tekhenu affiche la couleur avec la signature de Dávid Turczi et Daniele Tascini que l’on retrouve (indépendamment ou ensemble) autour de jeux cultes comme Tzolk’in, Teotihuacan, Trismegistus ou Anachrony. Produit par Board & Dice dans la série des « T Games » et distribué en France par Pixie Games, Tekhenu sort de l’ombre de ses prédécesseurs avec une mécanique de draft de dé innovante.
Tekhenu, en bref : je choisis des dés, purs ou corrompus, en essayant d’équilibrer la balance en prévision du jugement de mon âme à venir. L’ombre de l’obélisque tourne comme une horloge et projette les dés dans la lumière, la pénombre ou l’obscurité, affectant leur état et mes choix à venir. Chaque dé récupéré me permet d’effectuer une action divine et d’affiner la direction prise par ma stratégie de développement jusqu’au jugement dernier scoring final.
Le matériel de Tekhenu
Comme dans chacun des opus de la paire d’auteurs, le matériel est pléthorique : plateau de jeu grand format, plateaux de jeu individuels, 26 dés colorés, plus de 150 jetons cartonnés, presque autant de pièces en bois sculptées et colorées et une centaine de cartes… Le clou du spectacle restant l’obélisque massif qui trône au centre du plateau de jeu et dicte l’orientation de la partie.
Il n’y a rien à reprocher sur la qualité de la production ! Seuls les puristes rêveront d’un obélisque peint ou de jetons ressources plus réalistes que les bouts de carton mais cela laisse de la place aux spécialistes de l’accessoirisation qui se feront un malin plaisir de « pimper » Tekhenu à coup d’impression 3D…
Sur le modèle de Teotihuacan, les illustrations du plateau de jeu sont belles et finement détaillées, l’iconographie est facile à appréhender et limite rapidement le recours aux règles de jeu. Les pièces en bois aux couleurs vives sont du plus bel effet et tranchent sur un plateau relativement sobre.
Le livret de règles est très complet, bien écrit et largement illustré. Les concepts clés sont explicités avant d’être détaillés un par un, de manière didactique. Notons que la traduction française est tout aussi bonne, agréable à compulser au fil des parties.
Côté matériel donc, la boîte de Tekhenu est bien remplie et affiche un rapport qualité/prix de très haut niveau.
Tekhenu : thème ou thème pas ?
« Dans Tekhenu – l’Obélisque du Soleil, les joueurs incarnent des nobles de l’Ancienne Egypte participant à la construction du Temple de Amon-Râ et du centre religieux qui deviendra Ipet-Sout. »
N’y allons pas par quatre chemins, Tekhenu n’est pas le jeu de Tascini-Turczi au thème le plus profond : le thème égyptien est présent par ses illustrations et ses Dieux qui sont chacun associés à certains types d’action mais difficile de voir plus loin que les mécaniques et de les lier au thème.
Abstraction faite de cela, Tekhenu s’affiche surtout comme un (très) bon « euro game » au thème décoratif mais agréablement intégré autour des mécaniques de jeu. Rien de rédhibitoire pour les amateurs du genre !
Le principe de jeu dans Tekhenu
Pour démarrer, la mise en place d’une partie de Tekhenu n’a rien de vraiment complexe mais l’opération est un peu longue :
- 18 dés à lancer/placer autour de l’obélisque
- 7 types de jetons à répartir pour la réserve générale
- 3 types de cartes à mélanger/piocher/placer sur le plateau de jeu
- 7 types de pièces en bois (pour chaque joueur) à placer principalement sur le plateau individuel
- 1 (gros) tas de tuiles Colonne à empiler
Rajoutons à cela la spécialité des auteurs : des cartes de départ à choisir chacun son tour (pour déterminer ses ressources de début de partie et l’ordre du tour) et un objectif bonus de fin de partie.
Rotation, Jugement, Décompte : à faire tourner la tête
Une partie de Tekhenu se déroule en 16 tours de jeu (= 16 dés choisis) organisés en Rotation, Jugement et Décompte… À la première lecture, cela paraît inutilement compliqué, mais cela se révèle vite fluide et logique pour la mécanique globale :
- 2 Tours = 1 Rotation (de l’obélisque)
- 2 Rotations = 1 Jugement de Maât
- 2 Jugements de Maât = 1 Décompte
- 2 Décomptes = 1 Partie
Ce concept de découpage en fonction des rotations et de décomptes intermédiaires n’est pas sans rappeler Tzolk’in mais la comparaison s’arrête là !
Les Rotations changent le statut des différents dés positionnés autour de l’obélisque, les Jugements de Maât revoient l’ordre du tour en fonction de l’équilibre des balances des joueurs et les Décomptes valorisent votre déploiement sur le plateau (Bâtiments, Colonnes et Statues construits) en milieu et fin de partie. Jolies salades de points en perspective !
L’équilibre instable des dés
L’obélisque est érigé sur un cadran divisé en sections représentant l’ombre projetée par le totem de pierre plastique : Soleil, Pénombre et Obscurité. En fonction de la section de cadran face à laquelle ils se trouvent et de leur couleur, les dés sont considérés soit comme Purs, Corrompus ou Interdits.
C’est cette catégorisation des dés, ainsi que leur valeur, qui va influer sur vos choix à chaque tour. Libre à vous de ne choisir que des dés corrompus ou purs mais leur valeur et leur type pèsera dans la balance : ordre du tour et éventuel malus de points de victoire…
Actions divines et production
Les dés que vous récupérez au fil des tours servent à réaliser des actions divines (en fonction du secteur de provenance) ou à produire des ressources. En fonction du Dieu vers lequel vous vous tournez, l’action est différente :
- Horus : ériger une Statue afin de grappiller des ressources ou des points lors des actions des autres joueurs.
- Râ : ériger des Colonnes dans l’enceinte du Temple pour gagner des ressources et créer un moteur de points de victoire.
- Hathor : construire un bâtiment autour du Temple afin de gagner des points de victoire et d’accroître votre Population.
- Bastet : accroître le bonheur du Peuple pour élargir vos options en matière de cartes.
- Thot : recevoir des cartes qui serviront soit d’actions uniques, soit de bonus permanents ou d’objectifs de fin de partie.
- Osiris : construire un Bâtiment qui vous octroie des ressources et augmente vos capacités de production.
À l’instar des autres jeux de Tascini et Turczi, Tekhenu est un jeu tendu où chaque action coûte des ressources que l’on gagne laborieusement. Vous devrez donc déclencher quelques actions de production (au lieu d’une action divine) au bon moment – tout en gardant à l’esprit que l’excès de production vient faire pencher la balance du côté de la corruption !
Et là, une grande allée avec plein de statues
Les Bâtiments et Statues (disponibles sur votre plateau individuel) sont des moteurs de développement importants. Les premiers augmentent votre production et optimisent votre occupation du Temple tandis que les secondes assurent quelques bonus et points de victoire en cours de partie.
Le bonheur du Peuple, à la carte !
Autour des concepts de construction centraux du thème, une longue piste de bonheur/population vient limiter certaines de vos possibilités. Votre niveau de Population débloque de nouveaux emplacements de cartes et le bonheur vous sert à construire des Bâtiments chez Osiris et élargit l’accès aux cartes chez Thot.
Lors des premières parties, nous avons sous-estimé l’intérêt de ces pistes et des 3 types de cartes que l’on peut acquérir :
- Bénédiction : des bonus immédiats à déclencher quand vous le souhaitez.
- Technologie : des effets permanents à activer au plus vite.
- Décret : des objectifs de fin de partie pour gagner des points de victoire.
S’il est possible d’acheter jusqu’à 3 cartes lors d’une action divine, celles-ci doivent être prises uniquement dans UNE section de votre choix de la rivière de cartes et dont l’accès est déterminé par votre niveau de Bonheur… Vous allez vite chercher à augmenter votre Population et à la rendre la plus heureuse possible !
Botankhamon : tout en solo !
Tekhenu s’apprécie aussi bien de 2 à 4 joueurs qu’en solo grâce au Botankhamon, une espèce de pique-assiette qui chipe les dés de plus grande valeur sans jamais rien payer au passage !
L’utilisation de Botankhamon est assez simple : un marqueur qui escalade une pyramide de tuiles pour déterminer sa prochaine action. Le bot choisit toujours le dé de valeur la plus élevée ou l’action avec le plus grand impact en termes de points de victoire.
Tekhenu se joue bien en solo avec un bot facile à gérer avec un niveau de difficulté que vous pouvez ajuster à chaque partie.
Et Tekhenu, à deux ?
Pour le jeu en duo, Tekhenu propose de très légères modifications (quelques dés en moins et des effets de statues renforcés).
Malheureusement, comme bien souvent, jouer à deux favorise les stratégies extrémistes « chacun dans son coin » : chaque joueur peut développer tranquillement ses axes stratégiques, parfois contrarié par les choix de dés de l’adversaire qui coupent l’herbe sous le pied.
À deux, Tekhenu n’est pas inintéressant mais cette « interaction polaire » peut être éliminée en installant Botankhamon (le bot du jeu solo) comme troisième joueur. Passée sous silence, cette possibilité confirmée par l’auteur, renouvelle les parties avec un adversaire « virtuel » qui s’arroge toutes les actions rentables avant nous, pauvres humains. Grâce à Botankhamon, l’interaction lors de partie à deux est renforcée et la stratégie s’avère plus fine à mettre en oeuvre au fil des rotations de l’obélisque.
Finalement, notre avis sur Tekhenu…
Avec Tekhenu, on reconnaît facilement la patte de Tascini qui reprend quelques éléments de Tzolk’in et Teotihuacan pour livrer un nouveau jeu à base de dés et de rotation. Tekhenu affiche sa différence et son originalité malgré un thème peu présent.
La mécanique de draft de dés et les nombreuses actions possibles délivrent un gameplay qui nécessite de bien planifier ses tours de jeu pour ne pas rater les opportunités offertes. Cependant, Tekhenu reste fluide à jouer et dans un temps de jeu raisonnable.
Avec un matériel de qualité et un concept original, Tekhenu mérite sa place au soleil aux côtés de ses ancêtres et se révèle être une de nos meilleures découvertes de l’année.
Règles de Tekhenu
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Bon, je découvre, friand de tout nouveau blog de critique de jeux de société qui pourrait potentiellement nourrir mon besoin impérieux de me faire un avis avant d’acquérir (ma femme m’a dit: en terme de place, c’est les jeux … ou moi! J’ai été tenté de répondre très vite mais l’achat récent de la maison m’a poussé à réfléchir avant de me prononcer! 😉 )
Et bein franchement, sincèrement, merci! J’adhère tout de suite à ta façon de faire, ta présentation et ton humour glissé dans quelques mots par ci par là!
Bref, le blog comme celui que je souhaite créer quand je trouverai le temps. C’est inspirant et ça donne envie!
Bon, après, moi j’hésitais grandement pour Tekhenu étant donné le thème apparemment plaqué… mais là je change d’avis! J’aime vraiment beaucoup Tascini donc je vais poursuivre!!!
Merci à toi en tout cas! Vivement ton prochain test!
PS: Je serai ravi que tu me donnes ton avis sur Trismegistus et bien d’autres encore… à bon entendeur! 🙂
Bon courage
Bonjour Sébastien ! Merci beaucoup pour ce commentaire ! Oui, les autres jeux de la série des « jeux en T » arrive. Prochain à être publié : Tawnantinsuyu… Mais Trismegistus ne sera pas en reste 🙂